Polémique en Uruguay : la proposition de taxe sur les produits agrochimiques suscite un vif débat national

par 20 septembre 2025

Taxe sur les produits agrochimiques : c'est la proposition qui a suscité une vive controverse en Uruguay en septembre 2025. L'initiative, portée par le Frente Amplio (Front large), vise à instaurer une nouvelle taxe sur l'importation et la vente de produits agrochimiques, tels que les engrais, les pesticides et les herbicides. Ce projet a suscité un vif débat national entre les défenseurs de la protection de l'environnement et les acteurs du secteur agro-industriel qui craignent pour leur compétitivité.

En quoi consiste la proposition ?

Le projet de loi, porté par le Frente Amplio (Front large), propose d'instaurer une nouvelle taxe sur l'importation et la vente de produits agrochimiques dans le pays. Cette taxe toucherait un large éventail de produits utilisés dans l'agriculture moderne, tels que les engrais, les herbicides, les pesticides et autres intrants chimiques actuellement essentiels au bon fonctionnement du secteur agricole.

Selon les législateurs qui parrainent la mesure, cette taxe aurait un double objectif : d’une part, elle générerait des recettes fiscales supplémentaires qui pourraient être utilisées pour des programmes de restauration environnementale ou la promotion de pratiques agricoles durables ; et d’autre part, elle découragerait l’utilisation excessive ou irresponsable de produits agrochimiques en favorisant des alternatives plus respectueuses de l’environnement.

La principale justification repose sur la nécessité d'intégrer le « coût environnemental » des produits agrochimiques dans leur prix de marché. Ils affirment qu'aujourd'hui, les effets négatifs de ces produits sur les sols, l'eau et la biodiversité sont absorbés par la société dans son ensemble, ce qu'ils jugent injuste.

Rejet du secteur agricole

Comme prévu, le secteur agricole a réagi avec une forte opposition. Les associations rurales, les producteurs et les représentants du secteur agricole ont exprimé leurs inquiétudes quant à l'impact économique que cette nouvelle taxe pourrait avoir, en particulier sur les petits et moyens producteurs. L'Uruguay dépend fortement de ses exportations agricoles – comme le soja, la viande, le riz et les produits laitiers – et nombreux sont ceux qui craignent que cette nouvelle taxe n'affecte la compétitivité du pays sur les marchés internationaux.

L' Association rurale d'Uruguay (ARU) et l'Union rurale d'Uruguay (URU) ont publié des déclarations dénonçant la proposition, la qualifiant de mesure « idéologique » et dépourvue de soutien technique. Elles affirment que les produits agrochimiques ne sont pas un luxe, mais une nécessité, et que leur utilisation contrôlée est essentielle au maintien des niveaux de productivité actuels.

Ils avertissent également que des prix plus élevés pour ces produits pourraient encourager des pratiques illégales, comme l’importation d’intrants sans contrôles sanitaires ou l’utilisation de substances non autorisées, ce qui aggraverait les risques sanitaires et environnementaux.

Arguments en faveur : santé et environnement

D'autre part, diverses organisations environnementales et certains universitaires ont exprimé leur soutien au projet. Ils soulignent que l'utilisation massive de produits agrochimiques a un impact préoccupant sur les ressources naturelles, notamment sur la qualité de l'eau et la santé des sols. Ils mettent également en garde contre les risques pour la santé humaine, tant pour les travailleurs des champs que pour les communautés riveraines des zones cultivées.

Les partisans de la taxe soutiennent que le système de production actuel externalise ses coûts environnementaux, ce qui engendre in fine des dommages supportés par l'ensemble de la société. Inclure ces coûts dans le prix des produits par le biais d'une taxe favoriserait une transition vers des modèles de production plus durables.

En outre, certains experts soulignent que les revenus générés par la taxe pourraient être utilisés pour financer la recherche sur l’agriculture biologique, des subventions aux producteurs qui adoptent des pratiques durables et des systèmes de suivi de l’impact environnemental des intrants agricoles.

Bouteilles de produits agrochimiques à usage agricole en Uruguay 2025, au centre du débat sur la taxe agrochimique.
Les produits agrochimiques utilisés dans l'agriculture uruguayenne sont désormais au centre d'une controverse autour d'une nouvelle taxe proposée en 2025. (Ministère de l'Environnement)

Un débat aux implications politiques

L'initiative a également déclenché un conflit politique. L'Uruguay approche d'une année électorale et la proposition a été interprétée comme une manœuvre stratégique du Front large pour se démarquer du parti au pouvoir et attirer les électeurs soucieux de l'environnement.

Le gouvernement, dirigé par le Parti national, a exprimé son désaccord avec cette mesure, la qualifiant de « contre-productive ». Le parti au pouvoir affirme que ce n'est pas le moment d'introduire de nouvelles taxes, d'autant plus que le pays tente de se remettre des conséquences économiques des phénomènes météorologiques extrêmes et du ralentissement économique mondial.

Le président Luis Lacalle Pou n'a pas confirmé s'il opposerait son veto à la loi si elle était approuvée, mais les membres de son cabinet ont exprimé une préférence pour des politiques incitatives plutôt que des mesures punitives.

Impacts économiques possibles et alternatives

Les économistes sont divisés sur les effets potentiels de cette taxe. Certains affirment qu'elle pourrait entraîner une baisse de la productivité agricole, notamment si les producteurs manquent d'alternatives viables aux produits agrochimiques. D'autres estiment que, accompagnée de politiques soutenant l'innovation et la transition écologique, elle pourrait même renforcer la réputation de l'Uruguay en tant que producteur durable à long terme.

Des alternatives à la taxe forfaitaire ont également été proposées. Certaines proposent un système à plusieurs niveaux taxant les produits différemment selon leur niveau de toxicité ou leur impact environnemental. D'autres suggèrent une application progressive de la taxe, permettant aux producteurs de s'adapter progressivement.

Une tendance régionale

Le débat en Uruguay n'est pas isolé. Des propositions similaires concernant l'utilisation de produits agrochimiques ont été discutées dans d'autres pays d'Amérique latine, comme l'Argentine, le Brésil et le Chili. Dans de nombreux cas, l'absence de réglementation a entraîné de graves problèmes environnementaux, comme la pollution des rivières et la perte de biodiversité.

C'est pourquoi la proposition uruguayenne est suivie de près par d'autres pays de la région. Si elle est approuvée, elle pourrait créer un précédent et encourager des mesures similaires dans les pays voisins, notamment dans des contextes où la pression sociale en faveur de la durabilité s'accroît.

Conclusion

Le projet de loi visant à instaurer une taxe sur les produits agrochimiques en Uruguay a suscité un profond débat sur le modèle de production, le rôle de l'État dans la régulation environnementale et l'équilibre entre développement économique et durabilité. Alors que le secteur agricole craint une atteinte à sa compétitivité, les secteurs environnemental et progressiste considèrent cette mesure comme nécessaire pour protéger les ressources naturelles du pays.

Le débat se poursuit et son issue – que le projet de loi soit approuvé, modifié ou rejeté – tracera la voie à suivre pour l'avenir de la politique agricole en Uruguay. Au-delà du résultat immédiat, force est de constater que la durabilité environnementale est devenue une question centrale de l'agenda public du pays.

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