Dans un monde où la diplomatie semble s'être déplacée vers les réseaux sociaux, un nouveau chapitre des relations tendues entre l'Occident et la Russie s'est écrit à coups de tweets de 280 caractères et de déclarations cinglantes. Le protagoniste de cette histoire n'est pas un conflit militaire direct, mais une guerre des mots impliquant des sous-marins nucléaires , ces géants d'acier qui naviguent silencieusement sous les eaux de la planète et qui, de par leur nature même, sont quasiment impossibles à suivre. D'un côté, l'ancien président américain Donald Trump, au style direct et conflictuel. De l'autre, Dmitri Medvedev, ancien président russe et actuel bras droit de Vladimir Poutine au Conseil de sécurité, connu pour sa rhétorique de plus en plus acerbe.
sous-marins nucléaires
La situation a commencé à s'échauffer lorsque Trump , dans une de ses déclarations désormais classiques, a affirmé avoir envoyé « un ou deux » de ces sous-marins sur les côtes russes. Une déclaration qui, si elle était avérée, représenterait une escalade majeure, un déplacement de pièces sur l'échiquier mondial à faire dresser les cheveux sur la tête. Cependant, la réponse de Moscou a été rapide, empreinte d'ironie et de dédain. Medvedev, loin de paraître alarmé, a choisi le sarcasme pour réfuter les propos du magnat américain.
Ce va-et-vient, qui ressemble davantage au scénario d'un film d'espionnage à petit budget qu'à une communication entre puissances, soulève plus de questions qu'il n'apporte de réponses et met en lumière une réalité dérangeante : la banalisation d'une menace susceptible de rayer des villes entières de la carte . Tandis que les citoyens ordinaires s'inquiètent de savoir si l'herbe repoussera ou s'ils auront assez d'argent pour payer leur facture d'électricité, un jeu dangereux se joue en haut lieu, la sécurité mondiale étant l'enjeu.
L'origine du croisement : bluff ou stratégie ?
Pour comprendre ce désordre, il faut remonter un peu le temps. En août, Trump avait déjà évoqué l'idée de déplacer deux sous-marins nucléaires vers des « régions appropriées » en réponse aux précédentes déclarations de Medvedev sur le risque de guerre nucléaire. Ce qui, à l'époque, semblait n'être qu'une nouvelle bravade a pris de l'ampleur avec ses nouvelles déclarations, où il a même qualifié le politicien russe de « stupide ». La déclaration de Trump n'était pas une simple remarque en passant ; c'était une réaffirmation de sa ligne dure, un message adressé au Kremlin et à sa propre base électorale.
De son côté, Medvedev a relevé le défi et a répondu via son compte sur le réseau social X, en anglais, afin que le message soit reçu sans intermédiaire. « Un nouvel épisode de la série "Sous-marins nucléaires pour publications sur X" », a-t-il commencé. Et il a conclu par une métaphore acerbe : « Comme le dit le proverbe, il est difficile de trouver un chat noir dans une pièce sombre, surtout s'il n'y est pas. » En créole : « Vous nous vendez de la poudre aux yeux. » Par ce geste, le représentant du Conseil de sécurité russe a non seulement nié l'enjeu majeur, mais a également tenté de dépeindre Trump comme un personnage invraisemblable, un dirigeant qui parle plus qu'il n'agit.
La toile de fond de toute cette farce est, bien sûr, la guerre en Ukraine. Chaque déclaration, chaque tweet, est un pion déplacé sur cet échiquier complexe. Trump, avec sa promesse de mettre fin au conflit « dans les 24 heures », cherche à se positionner comme un négociateur efficace, même si ses méthodes sont peu orthodoxes. Medvedev, quant à lui, joue le rôle du « méchant flic » du Kremlin, lançant des avertissements et des disqualifications que Poutine, peut-être compte tenu de sa position, préfère éviter. C'est un jeu de rôle parfaitement calculé où rien n'est accidentel.
La doctrine du silence et le pouvoir de l'invisible
Maintenant, cherchons la cinquième patte du chat. Trump a-t-il vraiment envoyé ces sous-marins ? La réponse est tout simplement impossible à savoir. Et c'est précisément là la clé de tout. Le principal avantage stratégique d'un sous-marin nucléaire, en particulier d'un sous-marin équipé de missiles balistiques (SNLE), réside dans sa capacité à rester caché pendant des mois dans les profondeurs de l'océan. Leur localisation est l'un des secrets les mieux gardés de toute puissance militaire. La politique officielle du Pentagone a toujours été de « ne ni confirmer ni infirmer » la position de ses actifs nucléaires.
Cette doctrine du silence n'est pas un caprice. Elle est le fondement de la dissuasion nucléaire. L'idée est qu'un ennemi potentiel ne sait jamais avec certitude d'où pourrait provenir une frappe de représailles, garantissant ainsi une « destruction mutuelle assurée ». Qu'un président, ou un ancien président, commence à divulguer la position présumée de ces navires constitue, à tout le moins, une violation flagrante du protocole. Ceci nous amène à deux scénarios possibles :
- Scénario 1 : C’est du bluff. Trump utilise l’idée des sous-marins nucléaires comme un outil de pression psychologique, une « provocation » pour afficher sa force sans agir concrètement. Il sait que c’est invérifiable et exploite cette ambiguïté.
- Scénario 2 : C’est vrai. S’il avait réellement donné cet ordre, il aurait révélé des informations top secrètes et compromis l’efficacité de sa propre arme de dissuasion. Un geste si risqué que la plupart des analystes le jugent improbable.
Dans les deux cas, le résultat est le même : un niveau d’incertitude et d’anxiété s’introduit dans un environnement déjà instable. La confiance s’érode et un langage qui devrait être réservé aux crises les plus graves se normalise. C’est comme si deux voisins s’invectivaient dans le couloir de leur immeuble et menaçaient de mettre le feu à tout l’immeuble. Même s’ils ne le font pas, les autres locataires ne dormiront pas tranquilles.
Le danger de jouer à la guerre sur un écran
Au-delà de savoir qui a raison dans cet échange Twitter, ce qui est véritablement inquiétant, c'est la dégradation du débat sur la sécurité mondiale. Les menaces nucléaires, qui étaient, pendant la Guerre froide, un sujet tabou traité avec une extrême prudence par des canaux diplomatiques secrets, sont aujourd'hui abordées avec la même désinvolture qu'un mème. Ce phénomène a des conséquences concrètes.
D'un côté, cela désensibilise l'opinion publique. En entendant parler de « guerre nucléaire » et de « sous-marins atomiques » sur les réseaux sociaux, les gens commencent à percevoir cela comme quelque chose de lointain, presque fictif, perdant de vue l'horreur que cela impliquerait. De l'autre, cela augmente le risque d'erreur d'appréciation. Que se passerait-il si un jour l'une de ces bravades était mal interprétée par l'autre camp ? Que se passerait-il si un général à Moscou ou à Washington prenait une déclaration sur Twitter pour une menace réelle et imminente et activait un protocole de riposte ?
En fin de compte, cet échange entre Trump et Medvedev est bien plus qu'une anecdote pittoresque. C'est le symptôme d'une époque étrange, où la frontière entre la politique-spectacle et les décisions qui affectent la vie de millions de personnes est de plus en plus floue. Tandis qu'ils mesurent leur ego sur une plateforme numérique, l'horloge de l'apocalypse, ce marqueur symbolique du risque de catastrophe mondiale, continue de tourner silencieusement. Et contrairement aux sous-marins de Trump, celui-ci est réel et visible de tous.