Armes à feu et usage de drogues : le cocktail qui complique la sécurité en Uruguay

par 21 octobre 2025
Arme à feu saisie par les autorités uruguayennes, symbole de la montée de la violence armée dans le pays.
Le rapport officiel montre une augmentation de 300 % des plaintes relatives aux armes à feu entre 2013 et 2024, et suggère que pour chaque arme légale, il y en a au moins une non enregistrée.
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Depuis la publication du récent rapport du ministère uruguayen de l'Intérieur, nous pouvons affirmer que les armes à feu occupent une place centrale dans la crise sécuritaire uruguayenne. Bien qu'elles ne soient pas le seul facteur, leur prolifération, conjuguée à la consommation problématique de drogues, alimente une situation complexe qui exige des réponses urgentes.

La dimension du problème

Le document préparé par le Département des statistiques et de la criminologie appliquée (AECA) du ministère révèle que l'Uruguay est « l'un des pays les plus lourdement armés d'Amérique latine ». En décembre 2024, on comptait 617 327 armes à feu légalement enregistrées , soit environ 17,5 armes pour 100 habitants.
De plus, des estimations externes suggèrent que plus de 400 000 armes non enregistrées en circulation, portant le nombre total à près de 1 200 000 unités.

La principale préoccupation ne réside pas seulement dans le nombre, mais dans leur impact : par exemple, les crimes liés aux armes à feu sont passés de 453 signalements en 2013 à 1 826 en 2024, soit une augmentation de plus de 300 %.

Une carte qui se déplace vers l'intérieur

Bien que Montevideo reste d'actualité, le rapport met en évidence une nette expansion de la violence armée vers l'intérieur du pays. Le département de Durazno, au centre du pays, affiche actuellement le taux le plus élevé de ce type de criminalité, avec 109,7 signalements pour 100 000 habitants.
Ce changement géographique exige de repenser la stratégie de sécurité : il ne suffit pas de se concentrer sur les grands centres urbains ; il faut également prêter attention à la périphérie, à l'intérieur du pays et aux liens avec les réseaux locaux.

Armes à feu, crime organisé et homicides

L'usage mortel d'armes à feu est une constante : entre 2012 et 2022, 83,5 % des homicides par vengeance ou représailles ont été commis avec des armes à feu. Parmi les homicides liés au trafic de drogue, ce chiffre atteint 78,9 %.
De plus, le gouvernement actuel estime que l'entrée d'armes illégales en provenance de l'étranger n'est pas généralisée, mais plutôt « au compte-gouttes », ce qui complique le contrôle.

Armes à feu saisies par la police uruguayenne sur un tableau de preuves, représentant l'augmentation des armes en circulation dans le pays.
Les autorités intensifient les contrôles alors que le nombre d’armes aux mains des civils atteint des niveaux historiques et que leurs liens avec le crime organisé se renforcent.

Consommation de drogues : l’autre front du risque

Le rapport souligne également que la consommation de drogues est un facteur qui « facilite » la violence armée . En 2024 :

  • 89 % des personnes âgées de 15 à 65 ans ont déclaré avoir consommé de l’alcool à un moment donné.

  • Concernant le cannabis : environ une personne sur trois en a consommé. L’âge moyen d’initiation est de 20 ans.

  • En ce qui concerne la cocaïne, 8,4 % ont déclaré en avoir consommé à un moment donné, et parmi eux, 35 % ont déclaré en avoir fait une consommation problématique.

  • Concernant les pâtes dites de base : même si leur nombre semble avoir diminué, elles restent un phénomène de « vulnérabilité extrême », lié à l'exclusion sociale, à la précarité et aux contacts fréquents avec les services de santé ou le système de justice pénale.

Prises ensemble, ces données montrent que la combinaison des armes à feu et de la consommation de drogues agit comme un cycle dangereux : chaque facteur exacerbe l’autre.

La police uruguayenne présente les armes à feu saisies lors d'un contrôle de sécurité.
L’augmentation du nombre d’armes en circulation pousse les États à adopter de nouvelles stratégies pour endiguer la violence liée au trafic de drogue et au crime organisé.

Que fait-on et que manque-t-il ?

Le plan est ambitieux : l’évaluation s’inscrit dans le Plan national de sécurité publique 2025-2035, ouvert à la consultation publique jusqu’au 15 novembre. L’un des thèmes clés est « Armes à feu et munitions ».
Les mesures spécifiques comprennent :

  • Le ministère promeut un plan de désarmement civil pour réduire la circulation des armes illégales.

  • Il existe une loi (décret n° 345/020) qui réglemente strictement la possession et le port d’armes.

  • Des travaux sont également en cours pour moderniser le registre national des armes, même si le système actuel est divisé entre différents ministères et est considéré comme obsolète.

Mais de nombreux défis demeurent :

  • Le contrôle des armes enregistrées et non enregistrées est insuffisant : par exemple, les contrôles sur les collectionneurs ont considérablement diminué.

  • Les voies d’importation illégale d’armes restent diffuses (contrebande au compte-gouttes, assemblage clandestin), ce qui complique la prévention.

  • Le lien entre la violence armée et la consommation de drogues exige une stratégie multidimensionnelle : justice, santé publique, politiques sociales , éducation.

Le ministre de l'Intérieur de l'Uruguay, vêtu de noir, s'exprimant lors d'une conférence de presse sur la sécurité publique
Le ministre de l'Intérieur a dirigé la présentation du rapport sur les armes et la criminalité, soulignant que le contrôle des armes sera une priorité dans la nouvelle stratégie de sécurité nationale.

La voix de la communauté et le défi culturel

Au-delà des chiffres, on observe un changement culturel : dans plusieurs quartiers du pays, l’usage des armes à feu comme « outil de conflit » est devenu monnaie courante. Des programmes comme Quartiers sans violence, mis en œuvre à Montevideo, font appel à des « interrupteurs de violence » qui interviennent en cas de situation armée ou de consommation problématique de drogues.
Ce type d’approche montre que la solution ne se limite pas à l’intervention policière ou législative : elle nécessite un changement de mentalité, en commençant par la prévention précoce, la réduction de la consommation problématique de drogues et le démantèlement des réseaux de trafic d’armes.

Conclusion : Par où commencer ?

Le pays est confronté à une situation complexe. D'une part, le nombre d'armes à feu, légales et illégales, est considérable. D'autre part, la consommation de drogue est non seulement répandue, mais aussi étroitement liée à la violence armée.

Face à cette réalité, il est urgent d’adopter une approche globale combinant le contrôle des armes à feu, la lutte contre la consommation problématique de drogues, le renforcement du système de justice pénale et des politiques sociales qui s’attaquent aux causes profondes du phénomène.

Le mot clé – armes à feu – n’est pas un slogan. C’est l’axe tangible d’un problème structurel. Tout plan de sécurité qui ne prend pas en compte le contrôle des armes perd d’emblée sa force.

Et pourtant, cela ne suffit pas. Une véritable transformation ne sera possible que si nous nous attaquons aux conditions de vulnérabilité qui permettent aux jeunes d'accéder aux armes, de les utiliser et de s'engager dans des conflits.

1. Introduction

  • Le lien entre armes à feu et drogues : une combinaison qui redéfinit la sécurité en Uruguay.

2. Un pays fortement armé

  • Plus d’un million d’armes en circulation : légalité ou risque latent ?

3. La violence qui se propage à l'intérieur

  • Durazno et d'autres départements dépassent la capitale en termes de criminalité armée.

4. Crime organisé et homicides

  • Les armes comme outil central dans les règlements de comptes et le trafic de drogue.

5. La consommation de drogues comme facteur d'amplification

  • De la cocaïne à la pâte de base : impact social et sanitaire.

6. Réponses des États

  • Plan de sécurité nationale 2025-2035 et axe « désarmement civil ».

7. Ce qui reste à résoudre

  • Contrôles faibles, registres obsolètes et itinéraires illégaux actifs.

8. Le défi culturel

  • La normalisation des armes comme instruments de pouvoir dans les quartiers vulnérables.

9. Conclusion

  • Sans contrôle des armes, il n’y a pas de sécurité, mais sans politiques sociales, il n’y a pas de transformation.

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